samedi 30 août 2014

Relève toi la Guinée- Conakry!

Dans le fracas du monde, un pays souffre et on en parle très peu. Ce n'est pas le seul mais celui-là je peux en parler avec un peu de connaissance de cause car j'y suis allé: la Guinée-Conakry, le pays de Sékou Touré, qu'on a surtout évoqué récemment pour l'épidémie d'Ebola sans précédents qui l'a frappé cette année.



Par la cruelle loi des mass medias il aura fallu que deux travailleurs humanitaires américains soient évacués du Libéria vers les États-Unis pour voir Ebola évoqué sérieusement au 20 heures de France 2. Et encore sous le prisme de "La maladie nous guette!" De là à penser que la fameuse loi de proximité journalistique s'applique. Quand ça nous touche nous, autrement dit l'Occident c'est seulement à ce prix qu'on en parle! Rappelons que la maladie a fait au moins de mille-cinq-cent morts en Afrique de l'Ouest depuis la fin du mois de décembre!

Au milieu de cet imbroglio un mystérieux sérum ZMapp d'un laboratoire privé américain qu'on refuse d'appliquer en Afrique! Pas suffisamment fiable mais alors que fait t-on? N'y aurait-il pas des raisons purement mercantiles derrière cela? Faut-il attendre que l'épidémie ait gagné tout le continent? La compagnie Air France a suspendu ses vols vers la Sierra Leone à la suite de la panique de personnels navigants. David Nabarro, coordinateur des Nations unies chargé de la lutte contre l'épidémie a pointé l'irresponsabilité de cette décision lourde de conséquences pour l'acheminement du matériel médical.

Y aller ou pas?

Personnellement Ebola m'a happé au sens figuré à la fin du mois de mars. Alors que je préparais un voyage en Guinée-Conakry une information tombe. Elle n'est alors sur les lèvres que des "initiés" de l'actu africaine style TV5 Monde, RFI, France 24: Ebola sévit en Guinée forestière à Macenta, Guéckédou et Kissidougou. On apprendra plus tard que les premiers cas ont été enregistrés dès la fin du mois de décembre.

Voir l'article dans Mondafrique


http://mondafrique.com/lire/societe/2014/05/11/ebola-en-guinee-conakry-alerte-maintenue-malgre-une-evolution-positive


La réaction officielle du président Alpha Condé (dont 4 milliards de Francs CFA manifestement détournés ont été découverts dans une mallette à l'aéroport de Dakar! Un scénario à rendre futile l'affaire Cahuzac!)n'aura lieu que lors d'un discours le 22 mars sous la pression! La rumeur autour des nombreux décès en Guinée forestière étant devenue impossible à contenir. Que de temps perdu avant de publier les analyses de l'Institut Pasteur attestant du virus et d'implanter les laboratoires mobiles avec Médecins sans frontières et l'Organisation mondiale de la santé!

Dès lors, dilemme! Y aller ou pas? Les informations au compte-goutte sur le site de l'ambassade de France en Guinée ne rassurent pas: virus à Conakry, puis virus circonscrit, puis re virus! Je choisis d'y aller. Décision pas plus courageuse que celle des envoyés spéciaux en zone de guerre et surtout beaucoup moins que le courage de populations qui subissent la psychose au quotidien!



Jeunes du quartier Dixinn liberté à Conakry

Sur place la vie continuait bon gré, mal gré avec fatalisme dans ce pays exsangue, miné par la corruption alors qu'il est riche de son sous-sol: premier exportateur mondial de bauxite. Pour une partie de nos amis occidentaux bien au chaud derrière leur télévision Ebola c'est le lot de l'Afrique comme la famine ou la guerre. On occulte un peu vite que c'est la première fois que cette pandémie touche l'Afrique de l'Ouest. Le nom même était inconnu pour beaucoup de guinéens, libériens et sierra-léonais. Conakry a vécu sous une relative peur avec spots radio préventifs, messages télévisés et gel antiseptique obligatoire à l'entrée des lieux publics.

Malgré ça les gens du quartier Dixinn gare que j'ai sillonné avec mon hôte Ali Soumah se serrent les coudes et gardent le sourire. C'est un cliché mais puisque c'est vrai! Tout le monde s'accroche, y compris mon ami le rappeur guinéen Masta G, atteint de drépanocytose, une maladie qui touche principalement les africains, et doit avoir recours au système D pour se faire soigner dans une clinique privée. En effet il n'y a pas de soins digne de ce nom à l'hôpital public! On dit que la Guinée est le château d'eau de l'Afrique, sauf que ce château a lui-même soif!

Le clip de Masta G: Afreeca réalisé par Jérémie Lenoir pour le documentaire Foniké en 2012:



Voir la série de documentaires "Foniké" de Jérémie Lenoir ici: http://fonike.microscopik.com/

En avril Ebola a fait l'objet d'initiatives d'artistes comme le clip de sensibilisation: "Un geste pour la vie Stoppons Ebola" par "Meurs libre production".

Lors du festival Manifest organisé en avril à la plage Rogbané à Taouyah des humoristes en ont fait habilement leur fond de commerce raillant Ebola et les informations erronées qui circulent sur son mode de transmission et l'ignorance des populations. Quelques mois plus tard, fin juillet, la même plage a fait l'objet d'un drame: une trentaine de morts lors d'un concert des groupes "Instinct Killers" et "Banlieuz'art", dû à un déficit de sécurité. Le même drame s'était produit lors d'un concert de Takana Zion à Lambanyi plage. Au delà des responsabilités des organisateurs la question du manque de structure est posée. A part le Palais de la culture dont la conception est obsolète il n'y a aucun lieu public dédié aux arts à Conakry. Preuve de la place dévolue à la culture dans le pays, le Ministère de la Culture est le seul à être excentré, près du Centre culturel franco-guinéen dans des locaux vétustes. Ironiquement, alors que l'un des organisateurs Ablaye Mbaye, rappeur de Degg J Force 3 a été arrêté avec Malick Kébé de l'Agence guinéenne de spectacles, boucs émissaires d'un système à bout de souffle, un clip auquel Ablaye a participé, vient de sortir: "Relève toi Fria"





Initié par Macka Traoré de la radio Espace FM, le projet "SOS Fria 2014" qui réunit les artistes urbains guinéens Ablaye, Petit Kandia, Soulbang's, Instinct killers, Banlieuz'art et d'autres encourage par un concert caritatif la population délaissée de cette ville située au nord-ouest de Conakry, qui ne tenait que par son usine d'alumine, aujourd'hui à l'abandon, à l'image des villes minières abandonnées du nord de la France et de l'Angleterre

Voir ci-dessous sur Vision Jeunes:



http://visionjeunes.com/humanitaire-macka-traore-lance-le-projet-releve-toi-fria/

La case se délabre

Les chantiers pour relancer le pays en crise sont innombrables. Un, pas le plus prioritaire mais révélateur du manque de développement touristique est celui du non entretien de la Case à palabres de Dalaba, construite en 1932 par le chef de canton Thierno Omar à l'époque coloniale, dans le pays Peul: le Fouta-Djalon. Dans ce vestige aujourd'hui délabré et fissuré les guides ne sont pas salariés et l’État n'octroie pas de fond pour l'entretien des lieux. C'est ici que le mot indépendance aurait été évoqué pour la première fois. Le lieu est devenu la résidence privée de Sékou Touré jusqu'à sa mort le 26 mars 1984. Depuis, ni son successeur Lansana Conté ni Alpha Condé ne s'en sont préoccupés. Pas plus que de la case de la célèbre Miriam Makeba, à quelques encablures, qui a longtemps séjourné en Guinée. Un pays qui ne prend pas soin de son passé hypothèque son avenir!




Case de Miriam Makeba



























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