jeudi 27 mars 2014

I remember Ferdi



Il est mort cette semaine et n'avait que trente-huit ans. Ferdinand Compaoré est décédé des suites d'une infection pulmonaire. Il semblait aller mieux. Et puis.. Éternel remake d'un scénario tristement éculé que la vie vous impose comme un couperet.

Il est mort chez lui à Léo, ville du Burkina Faso, frontalière avec le Ghana, loin d'un hôpital qui l'aurait peut-être sauvé. Par un étrange caprice du destin je lui ai parlé deux jours avant sur un réseau social, alors que je n'avais pas pris de ses nouvelles depuis fort longtemps. Coupable négligence! La vie vous happe dans son flux et on en oublie ceux qui comptent. J'ignorais son état de santé. Pas le genre à se plaindre le Ferdinand. Et pourtant!

Notre rencontre remonte à octobre 2012. Un grand gars souriant à la voix calme qui était venu me chercher avec sa camionnette. Je le connaissais déjà sans le connaître. "Ferdi" et sa femme Maria revenaient souvent dans la bouche d'un ami, Fabrice, qui les avait côtoyés le temps de deux séjours.

Ferdinand c'était lourd à porter comme prénom, dur legs de la colonisation, et surtout ça renvoie en France à quelqu'un de snobinard, prétentieux avec une cuillère d'argent dans la bouche. Tout le contraire de "Ferdi" qui n'étais que simplicité. Quant à son nom Compaoré il s'excusait presque de le partager avec Blaise, celui qui poignarda son frère dans le dos. On connait la suite. Ferdinand était loyal en amitié. Une qualité qui se perd.

J'arrivais de Ouaga,où j'étais hébergé par un ami rappeur Art Melody à l'ombre du stade municipal et du théâtre CITO, à Bilbalgo. Une ville écrasante sous la chaleur, où l'on mange du porc au four ou son plat de to dans une cantine, arrosé d'un Fanta ou d'une Brakkina, la bière locale. A Ouaga il y a des motos partout et un petit réseau de taxis verts mal organisé qui font payer un supplément si vous avez le malheur de sortir du goudron. Bref!

Ce jour là, le bus m'a fait débarquer dans un autre Burkina, loin des sentiers touristiques comme le quartier artisanal de Bobo Dioulasso ou la cascade de Banfora. Leo, une bourgade, avec rien de particulier à faire, si ce n'est flâner et s'imprégner de la vie, des gens et leurs problèmes quotidiens. A Leo Ferdinand, employé à la sous préfecture n'était pas un inconnu pour la population.

Dans le cadre de son association de développement il avait fait venir un certain nombre de jeunes européens soucieux de s'investir dans l'éducation ou l'agriculture. ça avait failli tourner au vinaigre plusieurs fois mais il s'était accroché. Avec un de ses premiers volontaires il avait été agressé par un gendarme ivre qui avait sorti son arme. Ferdinand l'avait désarmé, porté plainte, là où beaucoup se seraient écrasés. Le scandale avait été tel que le gendarme avait été muté. Une autre fois c'est un volontaire qui se comportait comme un missionnaire qui lui avait posé problème. Bon gré mal gré il avait continué. Un de ses volontaires Gauthier deviendra une légende locale en laissant pousser sa tignasse brune, poursuivi par les enfants aux cris de "Nassara", le blanc en langue Mooré. Dans un contexte où beaucoup d'aides sont détournées par l'état et où certaines ONG sont discréditées j'ai pu constater la grande probité de ce monsieur qui se faisait fort de redistribuer rigoureusement le matériel scolaire à destination d'écoliers parrainés par des bénévoles en France, du côté de l'Ain.

J'ai pu participer à une tournée dans une école de la ville, auprès de certains de ces écoliers parrainés au sein une classe... de cent élèves. Échanger avec ce monsieur de politique,de justice sociale, du pays,de ses projets de développement sur les terres acquises par l'association. Partager une bière avec lui dans un des rares petits maquis de cette ville dortoir était un plaisir simple. C'est aussi là, dans une cour que j'ai été initié au dolo, cette bière de mil que l'on boit dans une calebasse. Ferdinand était aussi un bon père, aimant avec ces enfants. Il devait avoir des défauts. Peu importe! Qui n'en a pas? Je n'ai hélas passé que quelques jours avec lui sur la route avant de tracer à Bobo-Dioulasso.

Le Burkina Faso souffre de sa mauvaise gouvernance et de la corruption de ses dirigeants. Mais quelques hommes lui font faire des sauts de puce. Ferdinand Compaoré était de ceux là...


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