mardi 26 février 2013

Hommage au vieux Touré






Je viens de l'apprendre. Le vieux Touré n'est plus. Lequel me direz-vous? C'est un des noms les plus répandus dans la culture mandingue.

Le monde est rempli de vieux Touré qui nous quittent un jour, parfois dans une cruelle indifférence. Tout amoureux de l'Afrique a connu des "vieux pères" comme celui là. Monsieur Touré (Je n'ai jamais su son prénom) était un de ces anciens à la bonhommie apaisante, invariablement assis sur le perron de sa porte, quartier HLM 4 à Dakar, son exemplaire du journal "Le Quotidien" entre les mains.

Ce monsieur donc, faisait partie de la galerie de personnes attachantes, croisées pendant mon court séjour au pays de la Téranga. Ces vieux sont tellement rassurants qu'on oublie presque qu'ils partiront un jour. Ils sont l'âme et la mémoire de leur quartier. C'est sans doute redondant de reprendre Amadou Ampaté Bâ: "Un vieillard est une bibliothèque qui brûle" Mais ça reste vrai. Particulièrement pour le vieux Touré...

Remontons trois ans auparavant, en septembre 2010. Jeune journaliste, très "vierge" sur le thème de l'Afrique, j'effectuais (sur l'invitation d'un grand frère galsen qui se reconnaîtra) ce premier voyage au Sénégal et sur le continent africain( Je ne me targue pas aujourd'hui d'être un de ces pseudo spécialistes qui connaissent tout de l'Afrique sous prétexte qu'ils sont allés une fois au Fespaco à Ouagadougou- mais disons humblement que je commence à m'y retrouver un peu)

L'arrivée à l'aéroport Yoff de Dakar est une entrée en matière d'anthologie pour le petit toubabou que je suis. Je débarque dans la chaleur de la nuit dans le hall bondé, fatigué, avec un important retard dans les pattes! Ce serait moins drôle autrement! Et tout de suite... c'est du grand n'importe quoi! Les escrocs de tous poils, "porteurs" pour l'occasion se ruent vers mon chariot pour m'aider, moyennant finances. Les rabatteurs et les taxis malos s'agrippent au revers de mon col comme si je dissimulais le trésor des incas dans une doublure. Bienvenue à Dakar, la Mecque des Sai Sai et des débrouillards en tous genres!

Le lendemain matin, réveil à cinq heures, au chant du Muezzin. Je résiste à mon envie de lui balancer mon coussin à la figure. Le Sénégal ce n'est pas le Soudan d'Omar El Béchir mais il ne faut pas exagérer! Nous sommes dans le quartier HLM, entre les blocs 4 et 5, à quelques pas de la boulangerie Baye Gaindé (Elle a changé de nom depuis. Mais pour les taxis jaunes dakarois ça reste le point de repère)

Le quartier est populaire, vivant, avec un patchwork de sons qui claquent à l'oreille. Le wolof ça crépite comme du bois dans un braséro. Et ça se débite rék! Un débit saccadé de mitraillette, un peu comme la sulfateuse d'Al Capone. Partout autour de moi, j'entends les bruits mélangés, une bande-son de ouf: le bêlement des chèvres, qui se baladent dans la rue ou sur les toits des maisons, les conversations qui n'en finissent pas, les marchandages au marché HLM 5 à deux pas. Mais aussi les lamentations des Baye Fall (branche de la confrérie religieuse des Mourides) Dans les faits les Baye Fall, phénomène intrinsèque au Sénégal, ressemblent surtout à des mendiants ou des rastas! Mais chut!

C'est dans cet environnement fou, bouillonnant et généreux que je baignais, en plein jeun du Ramadan. S'il y a à manger pour tout le monde au coucher du soleil "Ici c'est la Téranga!" il n'y a pas une connexion Internet partout. J'allais donc "checker" mes mails chez les voisins les Touré. Le fils surnommé "Mgaté" était l'informaticien du coin. Celui qu'on appelle en cas de panne. Aussi bègue que blagueur et toujours le sourire aux lèvres. Son grand frère Bouba était rarement à la maison. Je l'ai peu côtoyé. Les deux filles Fatou et Awa m'ont marqué par leurs tempéraments diamétralement opposés. Une studieuse et une "faroteuse". Je vous laisse deviner qui est qui!

La clef de voûte du foyer c'est la maman, une dame digne et énergique, qui m'a tout de suite adopté comme son fils. Papa Touré, retraité de l'Education nationale, bougeait peu, gêné par son diabète, mais il avait l'autorité naturelle de quelqu'un qui a exercé des fonctions importantes. C'était toujours agréable de s'asseoir dans le salon et de parler avec lui de l'actualité ou de nos différences culturelles.

Revenu dans ma société, où l'on marche à la zappette et où on ne prend le temps de rien, saturés d'informations par nos chaînes en continu, je repense avec nostalgie à ces trop brefs échanges. Et je rend un hommage, sans doute dérisoire, mais tant pis, à ce vieux Touré. A sa famille et à tous ceux qui m'ont si bien accueilli durant ce voyage. Sénégal daffa nékh tropp!












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