samedi 22 avril 2017

La crucifixion de Mehdi






Il s'appelle Mehdi, comme Mehdi El Glaoui, le héros à la jeunesse étincelante de la série Belle et Sébastien

Mehdi Meklat, 24 ans, coiffé de sa casquette swagg, souvenir de Los Angeles, forme avec Badroudine Saïd Abdallah le tandem télégénique les Kids Mehdi et Badrou, bien vu dans un premier temps par une presse mainstream "ouverte". Il était tentant d'en faire des symboles "blackblancbleurisables" dans un contexte politique qui est, c'est peu de le dire, peu amène envers les "racisés", les "musulmans", les habitants des quartiers populaires. Inviter le duo en plateau pouvait, plus ou moins consciemment être l'alibi de grands médias encore assez frileux dont les rédactions ne sont souvent pas assez représentatives de toutes les couches de notre société. Mehdi et Badrou sont 2 jeunes français originaire d'Algérie pour Mehdi et d'origine comorienne pour Badrou (Il y a tourné avec son acolyte le docu "Grand mariage en 2014). Deux jeunes du 9-3 l'un venant de Saint-Ouen (Mehdi), l'autre de la cité des 4000 à la Courneuve (93) Ils ont d'ailleurs fait un très bon documentaire "Quand il a fallu partir" sur la démolition de la barre Balzac des 4000 en 2011. http://download.pro.arte.tv/uploads/QUAND-IL-A-FALLU-PARTiR.pdf



En février, peu avant l'élection présidentielle je devais rencontrer ces 2 ex-Bondy Blogueurs, reporters surdoués, créateurs avec Mouloud Achour de la revue Téléramadan, la revue qui veut "grand remplacer les idées nauséabondes" Mehdi et Badrou sont auteurs aux éditions du Seuil d'un premier roman "Burn out" sorti en 2015 sur Djamal Chaar, cet homme qui s'est immolé devant un Pôle Emploi à Nantes deux ans auparavant et surtout de "Minute" une fiction, sur la minute avant le verdict des urnes au mois de mai. Je me réjouissais d'échanger pour un article avec ce duo talentueux qui venait de faire la Une des Inrocks avec Christiane Taubira. Seulement voilà la tuile! Le week-end avant l'entretien une internaute a fait le "buzz" en exhumant des tweets haineux, homophobes, sexistes, racistes de Marcelin Deschamps, le "double maléfique" de Mehdi. L'exercice de style de provoc raté de Mehdi ne lui a pas été pardonné. Dès lors l'occasion était trop belle pour les fâcheux, le cuistre philosophe de mes deux Raphaël Enthoven, Natacha Polony, Causeur, Valeurs actuelles, Fourest... des promoteurs zélés de l'islamophobie de vilipender l'islamo-gauchisme des "bobos de gauche" comme les Inrocks, Médiapart, France Inter.. en profitant pour épingler au passage le Bondy Blog, qui n'a rien à voir avec les tweets de Mehdi, et les quartiers dans un essentialisme caractéristique de la Réaction.




Là-dessus la fachosphère si prolixe de "réinformation" l'autre nom de la contre-vérité se déchaîne avec une violence inouïe. Et Mehdi apparemment victime de menaces de mort se fait "oublier" non sans se fendre d'un post d'excuse sur les réseaux sociaux. Ces mêmes réseaux qui ont servi de prétexte à la crucifixion de Mehdi. Au-delà du mauvais goût évident des tweets c'est tout un travail remarquable de terrain qui a été foulé au pied par une "intelligentsia" arrogante beaucoup plus clémente envers les "errements" racistes des siens, de Bruckner à Finkielkrault en passant par Zemmour. Avec un grand courage intellectuel François Busnel, l'animateur de la Grande Librairie a fait savoir que "s'il avait su il ne l'aurait pas invité". Aurait-il eu le même positionnement si la polémique avait touché Philippe Val, qui était également en plateau pour un énième livre d'une grande médiocrité mais qui est influent dans les cercles "intellectuels"? De la hype des soirées parisiennes "Banlieue is beautiful" au Palais de Tokyo, avec Jean-Charles de Castelbajac, Mehdi est redevenu aux yeux des dominants un "jeune de banlieue" à casquette, donc nécessairement perçu comme antisémite et agressif. ça en dit long sur un imaginaire néo-colonial bien ancré dans beaucoup d'esprits. Mehdi Meklat n'est ni le représentant des quartiers, ni de la "Musulmanie" le pays fantasmagorique des tenants du Grand remplacement de Renaud Camus, ni des "basanés de France". Il ne représente que lui-même et le fait de le vouer aux gémonies après l'avoir porté aux nues en dit long sur un paternalisme qui n'a pas beaucoup évolué depuis les années 80 et la campagne de SOS Racisme "Touche pas à mon pote". Cette polémique prouve juste une fois de plus que quand on est né du mauvais côté du périph avec un nom à consonance maghrébine on n'a pas le droit à la moindre erreur. Le couperet est instantané. Je ne connais pas Mehdi, je ne l'ai pas rencontré. Je sais juste que lui et son compère ont plus que fait un job d'intérêt publique. Si les Kids disparaissaient de nos radars à cause de cette polémique en forme de sparadrap du capitaine Haddock, aussi stérile que celle qui poursuit encore Noam Chomsky en France sur son texte repris par le négationniste Robert Faurisson, ce serait un affaissement supplémentaire d'un débat dont le niveau est déjà assez bas... https://www.monde-diplomatique.fr/2001/04/BRICMONT/1829

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